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Quand des femmes prostituées rencontrent des moines cloîtrés
Quand des femmes prostituées rencontrent des moines cloîtrés
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| Domitille Farret d'Astiès 446 mots

Quand des femmes prostituées rencontrent des moines cloîtrés

Dans son ouvrage "De la rue au monastère", le journaliste Alexandre Duyck narre la rencontre apparemment improbable de prostituées parisiennes avec des moines de l’abbaye d’En Calcat (Tarn).

L’aventure a commencé il y a cinq ans. L’association Aux captifs la libération, avait emmené un petit groupe d’hommes sans domicile passer quelques jours à l’abbaye d’En Calcat, en « séjour de rupture », selon le jargon de l’association, afin de couper avec la rue et vivre quelques jours hors du temps. Sœur Solange, 80 ans, bénévole au pôle de l’organisation, a alors songé à entraîner quelques femmes en situation de prostitution pour un temps de villégiature estivale du même acabit. L’an dernier, Alexandre Duyck, auteur et grand reporter, a pu se joindre à l’improbable mission. Il a suivi six femmes prostituées de la rue Saint-Denis, où se trouve une antenne des Captifs, jusqu’à leur retour à Paris quelques jours plus tard.

« On est juste des frères »

Son livre se présente comme un journal de bord. Il y raconte les interactions entre les moines et ce groupe singulier. Mais aussi l’itinéraire personnel de plusieurs d’entre eux. Cette œuvre est un témoignage sur la réalité de la prostitution aujourd’hui. Ces femmes prennent la parole et témoignent qu’elles ne se prostituent pas de gaieté de cœur. Mais c’est d’abord l’histoire d’une rencontre entre des hommes et des femmes. L’un des religieux déclare qu’ils ne sont « ni des éducateurs, ni des travailleurs sociaux ou des G.O comme ils disent au Club Méditerranée », mais « juste des frères ».

Le journaliste a été bouleversé par cette expérience. « Elles m’ont fait confiance, m’ont raconté leur vie et la façon dont elles sont tombées dans la prostitution. J’ai été très touché ». On suit les itinéraires de Marie-Paule, de Yoko, de Rosemary… Elles sont françaises, nigérianes, laotienne, chinoise. Mais aussi catholiques, pentecôtistes, bouddhistes. On découvre également les frères bénédictins : Philippe-Joseph, Daniel, Columba… Philippe-Joseph, « un vrai clown qui grimace sur toutes les photos ou presque ». On apprend leur parcours. Ils sont là pour ces femmes, disponibles pour les rencontrer et les écouter.

« Voir renaître la petite fille qu’elles ont été »

Alexandre Duyck explique qu’ils sont les seuls hommes en qui elles ont confiance et desquels elles tolèrent des gestes de tendresse. « C’était très émouvant de voir les jeunes femmes africaines prises dans leurs bras par les moines », raconte-t-il. « À l’abbaye, ça rigolait beaucoup plus que je ne le pensais », ajoute-t-il. Lorsque des visiteurs demandent aux frères qui sont ces femmes, ils répondent parfois « un groupe d’amies ». Philippe-Joseph a cette phrase magnifique  : « Ce qui est beau, c’est de voir renaître la petite fille qu’elles ont été, cette part d’elles-mêmes n’a finalement jamais disparu ». Un récit haut en couleurs et plein d’émotions.

 

De la rue au monastère : journal d’une rencontre inimaginable, Alexandre Duyck, Éditions Bayard, avril 2018, 280 pages, 17,90 euros. 

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