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« Give me Liberty » : une ode à l’âme russe, à la foi et à l’Amérique

Plein d’intelligence, d’amour et d’humanité, « Give me Liberty » a bénéficié d’une ovation de dix minutes au dernier festival de Cannes

Son réalisateur Kirill Mikhanovsky, dont c’est le premier long-métrage, y redore le rêve américain à grand renfort de personnes âgées et d’handicapés. D’inspiration autobiographique, le film est à découvrir depuis le 24 juillet au cinéma.

Vic, Américain malchanceux d’origine russe, est conducteur de bus pour personnes handicapées à Milwaukee (Wisconsin), comme le fût le réalisateur. Alors que des manifestations éclatent dans la ville, il est déjà très en retard et risque d’être licencié. À contrecœur, il accepte de conduire son grand-père sénile et ses amis Russes à un enterrement. En chemin, il s’arrête dans un quartier afro-américain pour récupérer Tracy, une femme atteinte de la maladie de Lou Gehrig, la maladie de Charcot. Sa journée va se transformer en périple sans fin.

Un « anti- » pour narrateur

Si l’on suit le rythme endiablé du jeune Vic, rompu à l’exercice, serviable — même un peu trop — et quelque peu blasé de courir à travers la ville pour aller chercher ses clients, celui que l’on suppose servir de narrateur est à l’opposé. Un homme noir âgé, tétraplégique, clope accroché aux lèvres, desquelles on s’attend à voir surgir un blues, est allongé sur son lit et raconte ce en quoi il croit à Vic. « On doit faire beaucoup d’efforts pour se faire des amis, et ce n’est pas normal », a-t-il observé, tout comme le fait que « Dieu n’aime pas la laideur ».  Mais de quelle laideur parle-t-il ? Et de conclure : « La vie est merveilleuse. J’aime tout dans la vie. » Le jeune se tait, il écoute. Le film peut commencer.

De belles initiatives cinématographiques ponctuent le film. Du montage sonore à celui de l’image. Nous sommes vraiment au cinéma, au sens où une intention propre ressort vraiment, dans un monde recréé par le réalisateur pour sublimer et rendre hommage aux personnages du film. Son souhait est également de remettre au goût du jour le rêve américain, et d’en expliquer l’essence. Elle se trouverait dans l’espoir.

Le monde à l’envers

Le réalisateur ne savait pas qu’au moment où son film allait sortir en France, le décès de Vincent Lambert alimenterait un débat sur l’inutilité de l’existence de personnes affaiblies. Or dans Give me Liberty, la plupart des protagonistes a un problème. Le grand-père est sénile, et génial, un tétraplégique parle de Dieu avec joie, des personnes handicapées de toute sorte poursuivent leurs buts et leur vie avec dignité, et le seul qui pourrait être normal s’échine à leur rendre service. Et tout cela sur fond de road-trip concentré dans un endroit du monde où la violence, le racisme et la pauvreté battent le rythme. Le monde à l’envers. Ainsi, la question politique n’est jamais clairement évoquée, comme secondaire dans la vie des gens, même s’ils la subissent de plein fouet. Le tempo, ce sont eux qui le donnent. Malgré le tourbillon et les rebondissements, ils illustrent à leur manière le fait que « Dieu a un dessein pour chacune de nos journées », comme achève de dire le narrateur.

Un souffle incroyable, un rythme : c’est un cœur russe qui bat

Au milieu du chaos de la ville, l’une des plus communautarisées des États-Unis, le minibus trace son chemin pour emmener à l’heure celle qui veut absolument assister à son concours de chant, pour aller chercher une jeune femme au caractère de feu, en chaise roulante, qui s’occupe elle-même d’un homme handicapé, et enfin pour amener à temps les amis de son grand-père aux funérailles de celle qu’il a aimée. Ensuite, Dima, qui sort d’on ne sait où, est le charisme et la folie toute russe incarnés avec son gabarit d’ancien boxeur, même si c’est un voyou. Il donne ce souffle pour repartir à chaque fois dans la vie. Et n’hésite pas, au cours d’une traversée en bus, à expliquer ce que signifie l’âme ou l’histoire de saint Pantaléon.

Le réalisateur semble d’ailleurs avoir donné sa voix à certains personnages, au sujet de la foi, car il expliquait dans une interview : « Le résultat [du film] est aussi le fruit du destin. Il faut être pragmatique ; certes, mais on ne peut pas nier la dimension spirituelle de notre profession. On y est très attentifs. On est conscients que l’inspiration et la dimension métaphysique des choses comptent. À mon avis, le nier — ne pas le reconnaître — serait stupide. » Et d’ajouter qu’il a senti que Dieu les a accompagnés durant toute l’aventure.

La relève du cinéma (russe) ?

Le cinéma de Kirill Mikhanovsky a de l’avenir. Il a sa raison d’être, car il ne se charge pas de changer la face du monde à coups d’idées mais encourage à changer de regard. Voir, et voir mieux, là est l’u(n)e des fonctions du cinéma. Car l’humain est ici bien mieux traité qu’ailleurs, il ne requiert pas la pitié ni ne la souffre ; il ne subit pas son humanité mais il est motivé par elle ; il est fort par estime, beau par sa fragilité maladive et vivante. C’est sans doute cette forme d’art qui peut sauver le monde.

Give me Liberty, de Kirill Mikhanovsky, avec Chris Galust, Lauren « Lolo » Spencer, Maksim Stoyanov, 1h51, le 24 juillet au cinéma.

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